World War Z, un réalisateur
hollywoodien lambda, 2013.
J’avais eu une dure journée. Je me sentais pas de me mettre à du
Henri-Georges Clouzot ou à commencer un film contemplatif de Terrence Malick.
Donc, j’ai décidé de me mater un divertissement. Qui permette de mettre le
cerveau sur off. Apparemment, les scénaristes aussi avaient eu une dure
journée.
Pour ceux qui suivent : l’Odieux Connard est un blogueur arrogant,
génial et un peu vain (exemple : http://odieuxconnard.wordpress.com/2011/01/29/lennui-des-morts-vivants/).
Cet article (qui ne sera jamais à la hauteur du p'tit doigt de la cheville de trois lignes de l'OC) n’est qu’une pathétique conséquence indirecte de mes
lectures bien trop régulières de son blog, et du fait que je n'ai rien publié depuis quatre mois.
Pitch.
Une invasion de zombies qui
calquent leur mode de vie sur Usain Bolt (« they don’t just run… they sprint ! ») à l’échelle
planétaire se propage. De Philadelphie à Israël, en passant par le Pays de
Galles, Brad Pitt tente d’arrêter le virus avec ses p’tits bras musclés et
malgré son absence de diplômes, de quelque compétence ou légitimité que ce
soit.
Le genre du massacre.
Là, je sais ce que vous vous
dites. Vous vous dites « ce mec doit être foncièrement atteint et/ou
chômeur pour avoir maté un truc pareil un lundi soir » (c'est pas faux). Coupable d’avoir
vu ce truc, coupable de lui accorder
trop d’importance en écrivant dessus. Je suis Saint-Thomas. Je suis celui qui
veut voir, je dois porter ces stigmates pour croire. C’est donc le cerveau
troué que je peux écrire sur ce film. Pour paraphraser Saint Nicolas de
l’Apostolat dans les saintes écritures, « Moi,
World War Z, on m’avait dit ce qu’il valait, mais je l’ai vu. Heureux celui qui
croit sans avoir vu ». C’est vrai que l’annonce de scénar’ tient sur
un post-it déchiré, mais j’étais pourtant pas foncièrement pessimiste en
commençant le film. Vraiment au tout début. Je me disais que le principe d’un
film sur l’invasion de zombies comme mondialisation, ça pouvait être sympa,
développer une critique du capitalisme mondialisé à outrance, ou au contraire
de la progression du fascisme, ou alors une fable sociale sur la lourdeur du
processus de paix israélo-palestinien. Mais en fait non
Avant de commencer, il faut que
je précise à mon corps défendant que,
contrairement à ma nouvelle référence littéraire en la matière (voir
lien ci-dessus), je suis un grand amateur de films de zombies. Un vrai nerd qui a passé des heures à planifier
sa stratégie échappatoire en cas d’invasion zombie, qui voit dans ce fantasme
la possibilité d’une rédemption, le fait de repartir à zéro, tout ça. C’est
vrai que tout cela est un peu facile, surtout depuis qu’un certain Kirkman a
rendu ses lettres de noblesse au genre, que ce genre de conneries se
développent vitesse grand V. Que ça retombe toujours dans les mêmes eaux (aléas
moraux, anarchisme débridé, personnages secondaires qui tombent comme des
mouches). Mais j’aime le côté métaphorique débile du film de zombies, j’aime la
critique de base de Romero qui l’amène à créer le genre, j’aime ce que ses
suivants en ont fait (Rob Zombie le bien-nommé, et même dans une certaine
mesure, le premier de Boyle, 28 heures
plus tard), j’aime ce qu’ils montrent d’une société, et ce qu’ils en
dénoncent. Ce ne sont que rarement des grands films, mais c’est mon plaisir
coupable, une sorte de métaphore simple (ça c’est le truisme Romero, je sais,
mais il est bon de le rappeler) sur le chaos, sur la société de consommation,
sur l’atrocité de l’homme, sur les valeurs tradi, sur la religion, sur la
survie. J’aime ce que les parodies de films de zombies leur font dire. J’aime
beaucoup le fait que cela fasse désormais partie du paysage social, que ce
mythe soit devenu commun, que cette anarchie moderne soit devenue une rengaine.
Je trouve ça surtout bien parce
que c’est un genre de série Z, et qui se fout de la gueule de la série Z, et
qui embrasse ses codes, et qui surligne ses enjeux, et qui enfoncent ses portes
ouvertes. C’est tout le risque de ce genre de logique (exemple : c’est
comme du Tarantino qui, quand il se fout trop
de la gueule du monde, genre Boulevard
de la Mort, en vient à devenir aussi mauvais que les films dont il est censé
s’inspirer et qu’il est censé parodier). J’adore ça, et ça me
vient d’abord pour la passion pour ce jeu vidéo ridicule et génial qu’était Resident Evil (rien que le titre, quand on y pense, est bien débile), qui embrassait
complètement, qui avait poussé à bout, cette logique du survival métaphorique,
à coups de grandes phrases débiles, de doublages extrêmement pauvres, de
graphismes gores à souhaits, de coexistence entre une véritable peur et un
mauvais goût abominable qui le rendait très sympathique.
Je vais même aller jusqu’à dire
que le film de zombies était l’un des derniers genres cinématographiques qui
appliquaient certaines règles théâtrales à la lettre : unité de
temps, unité d’action,
unité de lieu, unité du vocabulaire
monosyllabique (« just… go… I… will just… slow you… down… », « Oh my God, John, the black
man of our group, has been bit ! »). Qui lui confèrent un
charme, une certaine aura. Qui en font toute la limite, évidemment. C’est ce
jeu avec ces limites scénaristiques qui me font adorer les Zombie, REC, et Planet Terror. C’est un genre que je
continue d’aimer. Enfin, je crois.
Le massacre du genre.
Un film de zombies a donc selon
moi le droit, presque le devoir, d’être mauvais. Un peu. Pas trop. Ou savoir être bien mauvais, parce que oui, on peut faire un film mauvais avec grande élégance
ou un film « élégant » avec très mauvais goût. Ce qui attire l’œil
dans World War Z (WWZ, pour les
intimes), c’est la nature du zombie en question : il est enragé (mais genre,
beaucoup plus que d’habitude), il sprinte, donc, comme dans Zombieland, il n’a aucun sens de la
survie (exemple : sauter de 89m de haut pour trouver sa pitance ne lui
fait pas vraiment peur), il a l’air méchant. Bon déjà, avec un zombie pareil,
on se doute que Brad Pitt va avoir pas mal de bol pour ne survivre ne serait-ce
que trois minutes trente, surtout avec deux gamins, puis trois, sur les bras,
au milieu de morts-vivants dopés à l’EPO, qui n’hésitent pas à te courir après
à 8700, parce qu’à un contre un, c’est moins drôle. Mais à la limite, le
concept pourrait être sympa, puisque ça pourrait rendre le film en mode
« survie proie-gibier », puisque pas moyen d’arrêter 8700 personnes
avec une pelle (j’ai essayé pour les manifestants Pro-Vie qui défilaient à Paris ce week-end.
Ce fut un échec). Mais en fait non ! Qu’importe, Brad, un pied de biche à
la main, n’hésite à dézinguer, à schlaguer du zombie à la pelle. Mais comme on n’est
pas là pour avoir du film réaliste, pour la fable sociale on repassera, pour la
mise en scène on retournera pleurer tranquillement dans sa chambre. Du coup, ce
côté « zombie sous ecstasy » et qui arrivent par flots est, dans son
concept, pas trop mauvais. Vous voyez, métaphore sur les mouvements de masse,
réflexions sur les écrits de Wilhelm Reich, introspection sur le moi face à la
peur du nombre, anéantissement des valeurs par l’idéologie, je le sentais pas
trop mal.
2e idée (et dernière) du
film : s’exporter à l’international. Faisant le tour du monde en deux
jours, souvent, Brad arrive, jet-lagué comme il faut, et obtient une info tout
à fait inintéressante qu’il aurait pu obtenir sans sacrifier 14 de ses p’tits
copains dans l’aventure, genre en téléphonant ou en envoyant un fax. Puisque
oui, pour apprendre que dalle, Brad fait 6000 km en vol plané, lui, il s’en bat
les steaks. Ce qui est d’ailleurs fun, c’est que Brad, il bosse pour l’ONU,
mais on sait pas ce qu’il fait. Il est pas médecin. Il est pas militaire. Il
est pas humanitaire. Il est pas avocat, ni sculpteur, ni dentiste. Il est… heu…
il est même pas genre « agent secret ». Il est «
accompagnateur » de l’ONU (il fait pas un super job au départ, mais du
coup, il devient le dernier espoir de l’humanité. Pas con, le gars). Et ouais.
Et il faut qu’il trouve un remède à l’apocalypse zombie. Bon. Côté
international, donc, qui a le mérite d’être (relativement) novateur. Jérusalem
qui croule sous les zombies, c’est quand
même assez osé, dans l’idée. Mais juste dans l’idée.
« HOLLYWOOD WAS HERE ».
Ce film ne propose aucun sens,
aucune morale, aucune action réellement bluffante. C’est vraiment un objet
vide. Un film qui n’assume même pas ce qu’il est, qui tente de faire dans le
grandiloquent alors qu’il n’a absolument rien à dire, ni sur le monde, ni sur
la série Z, ni sur les zombies, ni sur rien du tout. Mais ce qui est pire, c’est
qu’il se prend très, très au sérieux, et entre, bien plus que d’autres films post-apocalyptiques, dans des enjeux
qui sont, en théorie, extrêmement
politiques. Alors prenons l’exemple le plus marquant du film.
Quand, à Séoul, Jeannot dit à Brad que selon Michel, d’après les infos de Pedro, la personne qui sait d’où est parti le virus est un Israélien prénommé Stanislas, Brad paie donc une petite visite à l’État hébreu. Surprise ! Les Israéliens, « grâce » au mur qu’ils ont construit autour d’un « périmètre de sécurité » (le mur faisant à peu près 60 mètres de haut, histoire que les Palestiniens se fassent pas la courte-échelle pour passer) leur permet de survivre à l’attaque de zombies ! Magnifique ! En plus, ils l’ont renforcé en entendant une rumeur sur des zombies venue d’Inde (à ce moment, je me suis dit que Brad allait forcément aller dézinguer des habitants de New-Delhi, mais en fait non). Mais pourquoi eux l’ont su et pas les autres nations ? Là, on sent la polémique qui monte. On sent le propos géopolitique qui sous-tend l'action. On sent la prise de risques inconsidérés des scénaristes qui recevront bientôt un p'tit coup de fil de Manuel. Et là, Stan, Stanny, nous sort que c'est parce qu’Israël ne prend « aucun risque » et prend « toutes les rumeurs au sérieux ». Pourquoi ? Parce qu'attentats Munich, parce que guerre du Kippour, parce que 1933. Il parle avec une larme dans les yeux de la prévoyance israélienne et de son savoir faire qui lui permet de filtrer les gens pour que les zombies ne passent pas. Malin, le p’tit Stan ! Cependant, Stan déchante assez vite quand il se rend compte que des p’tits Palestiniens qui passaient par là (ah oui, parce que les zombies ont quand même le mérite de faire ce que Barack et John n’arrivent pas à faire, instaurer une paix au Proche-Orient) font de la musique un peu trop fort, et que le résultat, c’est que « Nuevo Jerusalem » est réduit en cendres par des hordes d’Ara… heu… de zombies. Et Brad, non sans avoir re-sacrifié quarante-cinq militaires de Tsahal qui passaient dans le coin, saute dans un avion, fort de l’information qu’il a glané (heu… qu’il faut construire des murs de 90 mètres de haut à Rhode Island, mais éviter que des p’tits cons mettent de la musique aux fenêtres), et finit par faire exploser une grenade dans cet avion, évidemment envahi d’infestés (si, si ! c’est possible). Bien, je n’irais pas plus loin sur l’histoire, c’est la même chose en boucle, mais dans des endroits différents.
Quand, à Séoul, Jeannot dit à Brad que selon Michel, d’après les infos de Pedro, la personne qui sait d’où est parti le virus est un Israélien prénommé Stanislas, Brad paie donc une petite visite à l’État hébreu. Surprise ! Les Israéliens, « grâce » au mur qu’ils ont construit autour d’un « périmètre de sécurité » (le mur faisant à peu près 60 mètres de haut, histoire que les Palestiniens se fassent pas la courte-échelle pour passer) leur permet de survivre à l’attaque de zombies ! Magnifique ! En plus, ils l’ont renforcé en entendant une rumeur sur des zombies venue d’Inde (à ce moment, je me suis dit que Brad allait forcément aller dézinguer des habitants de New-Delhi, mais en fait non). Mais pourquoi eux l’ont su et pas les autres nations ? Là, on sent la polémique qui monte. On sent le propos géopolitique qui sous-tend l'action. On sent la prise de risques inconsidérés des scénaristes qui recevront bientôt un p'tit coup de fil de Manuel. Et là, Stan, Stanny, nous sort que c'est parce qu’Israël ne prend « aucun risque » et prend « toutes les rumeurs au sérieux ». Pourquoi ? Parce qu'attentats Munich, parce que guerre du Kippour, parce que 1933. Il parle avec une larme dans les yeux de la prévoyance israélienne et de son savoir faire qui lui permet de filtrer les gens pour que les zombies ne passent pas. Malin, le p’tit Stan ! Cependant, Stan déchante assez vite quand il se rend compte que des p’tits Palestiniens qui passaient par là (ah oui, parce que les zombies ont quand même le mérite de faire ce que Barack et John n’arrivent pas à faire, instaurer une paix au Proche-Orient) font de la musique un peu trop fort, et que le résultat, c’est que « Nuevo Jerusalem » est réduit en cendres par des hordes d’Ara… heu… de zombies. Et Brad, non sans avoir re-sacrifié quarante-cinq militaires de Tsahal qui passaient dans le coin, saute dans un avion, fort de l’information qu’il a glané (heu… qu’il faut construire des murs de 90 mètres de haut à Rhode Island, mais éviter que des p’tits cons mettent de la musique aux fenêtres), et finit par faire exploser une grenade dans cet avion, évidemment envahi d’infestés (si, si ! c’est possible). Bien, je n’irais pas plus loin sur l’histoire, c’est la même chose en boucle, mais dans des endroits différents.
Alors sérieusement, que nous dit
une telle séquence ? Au-delà du côté, il faut le reconnaitre, original de
la situation (et le fait que Tsahal, malgré ses discours, son professionnalisme
et son opérabilité finisse tout de même par se faire démonter), le discours
derrière est tout de même consternant. Si le film de zombies, au lieu d’être
une farce grotesque ou un mélo introspectif sur la nature humaine finit par
être une fable sur la bienfaisance du sécuritaire, de la paranoïa et de la
démesure (désolé, Stan, j'étais très touché par ton discours, mais c’est tout de même ce que tu décris, parce que
franchement, mettre les attentats de Munich sur le même plan qu’une invasion de
zombies qui s’entraînent pour le marathon de Paris, c’est un peu bref), ça
devient simplement consternant.
Mais l’amour et la vérité
vaincront, à la fin. Et d’ailleurs, José, le petit mexicain récupéré au départ
du film, est toujours là, donc le film est sauf, et la morale hollywoodienne
aussi (à la fin, Brad nous dit : « battez-vous », et « aimez-vous
les uns les autres ». Véridique).
La mort de la série Z.
…
Et Wilhelm Reich ?
Et Romero ?
Et un peu d’humour ?
Et un peu d’originalité ?
Heu… ba non, rien du tout. Ce qui
est drôle, c’est qu’un film pareil montre que le blockbuster ne crée plus de genre, ne crée plus de codes, il fait une espèce de synthèse entre les genres qu'il exploite et ses propres codes, et finit pas détruire les deux. Ça
a toujours été des films niais, bien débiles mais il faut reconnaître à Terminator ou à Matrix (le premier, hein) un
certain goût, une certaine capacité américaine à construire un divertissement,
certes décérébré, mais qui prétendait un peu à quelque chose, à un peu de
cinéma, à un peu de mise en scène. Là, même pas. Le dernier machin avec Johnny
Depp, Lone Ranger, a explosé en vol.
Ce WWZ est un ramassis d’effets spéciaux et se veut sérieux, beaucoup trop sérieux. Alors bien sûr, on peut se dire (je l’ai
entendu au moins huit ces dernières semaines) que les films de super-héros
trustent les fonds hollywoodiens et envahissent nos écrans de manière
insupportable. Mais quand on voit WWZ, on se demande si le monde hollywoodien
serait tellement différent, sans les Avengers.
On se dit que c’est ni une licence Marvel, ni les films d’animation qui pullulent
qui pèsent sur le blockbuster, c’est l’absence de risques qui est centrale, c’est
ce code moral, scénaristique, à respecter, et qui doit s’extraire de
toute distance critique, ironique, farcesque, outrancière, même quand elle
traite d’un genre comme le film de zombies. Ce qui me gave, c’est que Hollywood
va même réussir à détruire la série Z.
Une grosse daube. Oui, j’enfonce des portes battantes. Évidemment, pas besoin de mater un film pareil pour le comprendre. Juste une piqûre de rappel.
Une grosse daube. Oui, j’enfonce des portes battantes. Évidemment, pas besoin de mater un film pareil pour le comprendre. Juste une piqûre de rappel.
Et surtout, n’oubliez pas !
Allez au cinéma !