mardi 18 juin 2013

Le Mépris, ou le Doutage d'une Potiche

Le Cinologue devient le Berniouze Cinologue (mais ça ne rentrait pas dans le titre). 
Article par mein brüder Pierrick. With all due respect, ça me fait un peu mal de mettre cette connasse de B.B. en premier plan. "Mais le passé, c'est le passé" comme dirait un dialoguiste godardien. Et elle était quand même sacrément belle.
Le Mépris, Jean-Luc Godard, 1963

Avant de commencer cette critique, je précise que je n'ai pas vu Le Mépris sur un ordi 2,5cm mais bien sur un écran de cinéma, en bobine qui crépite délicieusement et pas en numérique fadasse (si tu habites à Nantes, toi, lecteur, va au Cinématographe, c'est pas cher, ils ne passent que des bons films, sauf celui-là en fait, mais j'anticipe). Dans les meilleurs conditions, donc. Le rideau s'ouvre. Bardot est au lit avec Piccoli, et elle lui demande s'il aime chaque partie de son corps – qu'elle a, comme le nez de Cléopâtre, joli d'ailleurs – et lui répond oui à tout. Putain, c'est vachement culte cette séquence, on se dit, ce cher Jean-Luc va nous en foutre plein la vue, il va nous disséquer le couple en moins de deux heures, ça va, selon l'expression usitée, envoyer du pâté. Le générique arrive. On entend une voix nasillarde qui annonce:  "c'est un film de Jean-Luc Godard. Avec Brigitte Bardot. Et Michel Piccoli. Et aussi Jack Palance. Et aussi...". Il est fort ce Jean-Luc, il fait vraiment rien comme tout le monde, un vrai générique c'est vraiment trop naze, on est à peine à cinq minutes du film et il a déjà révolutionné le cinéma, enfin le générique tout du moins, et l'histoire continue. Piccoli est scénariste, il est engagé sur un film de Fritz Lang qui veut faire mettre en scène l'Odyssée. On lui souhaite bon courage pour résumer l’œuvre d'approximativement 12.000 vers. C'est peut-être ça l'histoire du film: un scénariste qui délaisse sa femme en essayant d'adapter Homère et pète complètement les plombs. Mais en fait non. Il discute avec le producteur, le méchant du film – on le reconnaît à son vilain accent américain – mais bon Piccoli va pas parler anglais non plus, il a déjà assez à faire avec le grec ancien, du coup, une traductrice est habilement placée entre les deux. Le réalisme cinématographique de Jean-Luc bat son plein. Et là, Piccoli fait la bourde qui va tout niquer: devant se rendre chez ledit producteur, il propose à B.B. d'aller dans le superbe cabriolet du vil ricain. Elle fait la gueule, Bardot, on sent qu'elle se dit "j'ai pas épousé ce connard de scénariste pour finir dans une voiture qui va faire du vent dans mes cheveux et me ruiner ma permanente avec un type qui parle même pas français". Mais bon Piccoli n'a même pas de véhicule, ce looser, et il les rejoint en taxi. Le fameux "mépris" commence. Au début, Piccoli ne s'en fait pas, il doit penser que c'est la mauvaise semaine et puis c'est tout. Mais peu à peu, il hume que quelque chose cloche quand Bardot met une perruque brune, ça, ça ne lui ressemble pas, et ça permet à Jean-Luc de nous faire au passage un assassinat en règle du mythe Bardot. Nouvelle rupture, nouvelle révolution. D'autres signes apparaissent : B.B. veut dormir dans le canapé – sous prétexte de ronflements intempestifs – ce qui n'est jamais bon signe. Au bout d'une longue scène dans leur appartement où ils s'engueulent en prenant successivement des bains – sans doute pour se calmer les nerfs– Bardot lui sort l'irréparable, l'irrémédiable, le tragique ultime: elle ne l'aime plus. Ça sent le sapin. Mais Piccoli s'accroche, le bougre, c'est vrai que c'est quand même Bardot, ça vaut le coup de se battre un peu et ça rajoute surtout une demi-heure au film où l'on va pouvoir constater que Bardot est une vraie chieuse et admirer des zolis plans de Capri, là où le tournage se passe. Je ne spoilerai pas la fin du film, sachez juste que ça va finir mal, ce qui, dans une tragédie, est plutôt bienvenu.

Après avoir résumé le film avec beaucoup de mauvaise foi, je vais tenter d'expliquer ce qui m'a particulièrement énervé dans ce film. Je ne suis pas un grand spécialiste de Godard, j'ai juste vu A bout de souffle, Vivre sa Vie et surtout Pierrot le Fou, auquel je voue un véritable culte. J'attendais donc beaucoup du Mépris, surtout parce qu'il était dans la période "abordable" de Godard, en gros avant qu'il ne clame: "je ne veux pas finir comme Truffaut, réalisateur odieusement populaire, je veux faire des films intellectualisants et éprouvants qui fassent 9.000 entrées dont la moitié sur Paris avec des noms impossibles" - franchement, suis-je le seul à être allergique au titre Film Socialisme ? Le Mépris, à mes yeux, regroupe en un film tout ce qui est horripilant dans le cinéma d'auteur français: scénario fluet, dialogues abscons, jeu d'acteur "réaliste" qui paradoxalement donne l'effet d'être totalement artificiel (38 témoins, suivez mon regard), personnages qui jouent leur propre rôle – coucou Tonton Fritz ! - et surtout, surtout cette musique lancinante qui doit revenir bien vingt fois dans le film, pour prouver que, bordel, c'est du sérieux, on parle d'un amour qui s’érode, c'est l'histoire de tous les couples, voire de toute l'humanité, vous êtes prévenus. A mesure que le film se déroulait – ou plutôt, roulait avec la subtilité d'un tractopelle – je n'ai pas pu m'empêcher de penser à la Potiche de François Pérusse et au Doutage des Inconnus. Pour les avoir vus avant, j'ai pensé le film par rapport aux sketchs, ce qui prouve que je n'ai sans doute pas été le seul à souffrir devant des films estampillés "chef-d’œuvres français inattaquables". Je n'ai pas du tout été convaincu par Brigitte Bardot, qui m'a plus agacé qu'autre chose – c'est son rôle, d'accord, mais certaines actrices m'agacent avec ravissement. Un des dialogues entre Bardot et Piccoli résume assez bien le film:

 "- Je ne t'aime plus.
- Oui, j'ai compris, mais pourquoi me méprises-tu ?
- Ça, je ne te le dirai jamais !"

Un mystère sur lequel repose tout le film, mystère dont je me suis foutu éperdument tant j'avais hâte que Brigitte Bardot disparaisse de l'écran qu’Anna Karina apparaisse et se barre en virée avec Bebel. Le Mépris, ou comment se tromper de film.

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