dimanche 26 août 2012

My Dinner With André, ou le triomphe de l'ivresse

J'ai un peu honte des raisons qui m'ont fait voir ce film, sa parodie dans un épisode de Community (s02e19, ''Critical Film Studies''). On a les références que l'on peut. 

My Dinner With André, Louis Malle, 1981.


New York, début des années 1980. Deux anciens amis se retrouvent dans un restaurant. La discussion dure près de deux heures. 

Film fleuve, enivrant, My Dinner With André est une claque. Bricolé par deux auteurs, qui en sont aussi les deux acteurs, le film est d'une simplicité déconcertante. Deux hommes discutent. Sans phrases choc, sans tentatives de séduction du spectateur. On parle d'amour, d'expériences spirituelles, de théâtre, de vieillesse, d'idéalisme, de politique, un peu. Les auteurs jouent sur le temps, sur l'ivresse du moment, sur l'emballement de la conversation, sur l'incompréhension du spectateur. Étonné, déconcerté, enthousiasmé, enivré, on participe avec eux à cette discussion longue, parfois brillante, parfois inepte, toujours marquante. Le film s'appuie sur le non-évènement, sur la construction autour du vide. Un bel exercice.

On pourra reprocher à My Dinner With André de se vouloir intello. Un peu à la manière d'un film de Rohmer en son temps. Le genre de pellicule qu'on ne passera jamais que sur Arte, entre 1h15 et 3h du matin, pour des amateurs insomniaques et patients. Un Ma nuit chez Maud sans histoires, et peut-être un brin moins démonstratif. On pourrait le croire parfois un peu masturbateur. Pourtant, et c'est la force du film, il n'est jamais inaccessible. Il multiplie les références, les jeux d'interprétation, les réflexions déconcertantes. Les discussions sont lointaines, marquantes, irréelles. Wallace Shawn, avec son air bouffi, sa calvitie précoce, son timbre de voix nasillard, représente à la perfection le terre-à-terre peu sûr de lui, en prise avec la difficulté du réel new-yorkais. André Gregory est l'homme de théâtre expérimental perché, paumé, souriant et profondément atteint, qui raconte chacune de ses expériences absurdes comme si c'était une tirade de Shakespeare. Le film porte deux grandes performances d'acteurs, celle de Gregory en premier, qui joue à la perfection l'acteur dans l'acteur. La réalisation est sobre, donc parfaite. Le Gymnopédies n°1 de Satie achève cette jolie construction.

Le film raconte l'ivresse d'une conversation, décrypte un rapport possible du réel à la fiction. Tente un peu de faire de la philo de l'art. Simple, prétentieux dans sa forme comme il faut, il agit comme une belle discussion entre amis. Le film avance et l'ivresse du spectateur avec lui.

À la fois dérangé et repu, frustré et satisfait, on ne sort de ce film qu'avec une gueule de bois existentielle, un sentiment de malaise plutôt vivifiant. Film lent, très lent, porté par deux acteurs, il incarne parfaitement la déprime des 80's, le sentiment limité d'une génération qui a atteint ses limites. Grand film.

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